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Daech - Al Qaïda : La guerre des marketings

Daech, jusqu’il y a peu encore connu comme l’Etat Islamique en Irak et au Levant, est en passe de devenir le nouveau défenseur autoproclamé de l’Islam, allant jusqu’à détrôner Al-Quaïda avec qui il est en rivalité croissante.


Mais qu’en est-il exactement de cette organisation ? Daech prône le rétablissement du califat Abbasside qui correspond de fait à l’âge d’or de l’Islam. En effet, de 720 à 1258, le califat des Abbassides est une dynastie de califes sunnites arabes dont la domination s’étend sur tout le Proche-Orient de la Méditerranée à l’Iran. Fondée par Abû al-`Abbâs As-Saffah, cette dynastie arrive au pouvoir à l'issue d'une véritable révolution menée contre les Omeyyades, suite à laquelle ils déplacent le pouvoir de la Syrie vers l'Irak en s'installant dans leur nouvelle capitale, Bagdad. Ils prennent ainsi la tête durant plus de cinq siècles d’un immense empire dont ils poussent l’extension maximale des rivages atlantiques de l’Ibérie jusqu’aux bords de l’Indus et portent la civilisation arabo-musulmane à son apogée.

Mais un lent déclin va s’amorcer : en Espagne et ensuite en Egypte, les peuples locaux arrachent leur indépendance, les tribus turques prennent une importance croissante au sein de l’empire et le coup de grâce est finalement asséné par les Mongols au XIIIe siècle qui détruisent Bagdad, mettant ainsi fin au règne des califes Abbassides.


La prétention de Daech est donc d’instaurer un Etat islamique qui gouvernerait le Proche-Orient sur les territoires actuels de l’Irak et de la Syrie bien évidemment, et allant également jusqu’à s’étendre au Liban, en Jordanie, en Israël et en Palestine, ainsi que dans la péninsule arabique et en Iran.


Mais déjà, cette organisation qui contrôle le Nord de la Syrie et de l’Irak se retrouve contestée à ses frontières par de nombreux opposants qui ne lui reconnaissent aucune légitimité. Tout d’abord, les Kurdes au Nord qui se situent à la frontière turquo-syriano-irakienne dans ce qu’on appelle le Kurdistan et dont les défenseurs sont les farouches Peshmergas. Ensuite, les Chiites à l’est qui se concentrent en Irak et en Iran et qui sont déjà nombreux à avoir fui les territoires contrôlés par Daech par peur de représailles et d’exactions. Face à cette contestation, la stratégie de Daech semble de consolider son pouvoir sur les territoires qu’il a déjà soumis en instaurant un état théocratique basé sur une interprétation rigoureuse de la Charia.


Frères ennemis


Mais le principal adversaire de Daech est avant tout sur le plan idéologique : j’ai nommé Al-Quaïda. Si Daech est initialement lié à ce dernier, il s’en est progressivement affranchi avant de s’en distinguer clairement et de revendiquer sa supériorité. En 2014, l’Etat Islamique en Irak et au Levant annonce le rétablissement du califat sur les territoires qu’il contrôle et son leader idéologique Abou Bakr al-Baghdadi se proclame calife, successeur de Mahomet sous le nom d’Ibrahim et héritier du califat de Bagdad. Ce faisant, l’Etat Islamique conteste la légitimité d’Al-Quaïda en tant que leader du mouvement jihadiste.


La grande distinction qui caractérise l’opposition entre Daech et Al-Quaïda, c’est la différence de conception qu’ils se font du Jihad. Si Daech prône le rétablissement d’un califat au Proche-Orient qui serait l’héritier du califat de Bagdad, Al-Quaïda a une conception universelle : son message est celui d’un Islam conquérant qui vise à convertir, par la force si besoin est, tous ceux qui ne sont pas encore musulmans et à instaurer un Etat islamique universel en portant le Jihad à l’échelle mondiale. Cette conception est l’héritière du califat ottoman qui combinait une domination politique et militaire sur la quasi-totalité du monde musulman par les Turcs à une dimension théologique se réclamant de l’héritage de Mahomet au-delà des clivages ethniques traditionnels : le califat ottoman visait à réunir sous sa domination tous les musulmans. Par cette distinction, Daech met en évidence l’échec du Jihad mondial mené par ce dernier.


Guerre d’image


Cette opposition grandissante entre ces deux défenseurs de l’Islam rigoriste a mené à une véritable guerre de communication. Si Al-Quaïda frappe à travers le monde par des attentats visant aussi bien les musulmans que les occidentaux, Daech se réserve comme terrain d’action une zone traditionnellement musulmane où elle tente d’imposer sa vision du Coran.


De plus, Daech se livre à une véritable surenchère de violence et de brutalité dans le but de marquer les foules, de montrer sa puissance et son impunité et de terroriser ses ennemis par une véritable guerre psychologique. Cela se traduit par le recours aux méthodes dernier cri pour communiquer via par exemple des vidéos de plus en plus fréquentes de décapitation, d’assassinats en masse ou encore de scènes de bataille témoignant d’une force guerrière qu’aucune organisation jihadiste n’avait eue auparavant, le tout filmé en gros plan par des caméras numériques.


Retour des fils prodigues


En outre, cette politique fait l’effet d’une publicité choc dans sa stratégie de recrutement, provoquant un engouement croissant de la part d’une frange de la population frustrée et radicalisée par la misère, la difficulté de s’intégrer et l’absence d’avenir. Daech n’hésite ainsi pas à vanter son paradis islamique en mettant en évidence la vertu de cet état qui applique la Charia à la lettre ou encore le sort plus qu’enviable des combattants prêts à lutter et à se sacrifier pour la victoire de leur idéal, combattants qui reçoivent nourriture, voitures, villas avec piscine et épouses fidèles, le tout gracieusement offert par Daech et même l’occasion de mourir en martyr pour la cause afin de racheter ses pêchés et d’accéder au paradis.

Ils visent ainsi clairement les jeunes issus de l’immigration en utilisant les codes occidentaux auxquels ils sont confrontés tous les jours. Il y a surtout les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook qui sont inondés de récits émanant de cyberjihadistes écrivant dans leur langue maternelle, alors qu’Al-Quaïda ne communique qu’à travers quelques sites internets ayant une bien moins forte visibilité. On aura ainsi vu sur ces réseaux la photo d’un enfant portant une casquette de base-ball qui porte à bout de bras une tête décapitée, des clips vidéo avec des rappeurs scandant des chants religieux ou encore des jihadistes publiant des selfies avec leur animal de compagnie en surfant sur la mode du «lolcat ». L’islamisme est ainsi rentré dans l’ère du e-marketing.


Mais, cette stratégie a un côté négatif car cette débauche de violence, caractérisée par la persécution des minorités ou encore la décapitation filmée d’otages occidentaux, a fait réagir vivement l’opinion internationale, Etats-Unis et pays occidentaux en tête qui ont désigné Daech comme le nouvel ennemi du monde libre et le nouveau visage de l’Islam radical.


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