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USA : hausse de prix du Daraprim, qui est responsable ?

  • Florent H
  • 31 janv. 2016
  • 4 min de lecture

Aux Etats-Unis, un médicament essentiel au traitement du sida voit son prix exploser de 5.000%. Comment et pourquoi cela est-il rendu possible ?


Aux origines du scandale.


Son nom est Martin Shkreli, il a 32 ans et est l’homme le plus détesté des Etats-Unis. Au mois d’août, le jeune CEO de Turing Pharmaceutical avait racheté l’exclusivité des droits de commercialisation du Daraprim aux Etats-Unis pour 55 millions de dollars. Le médicament est utilisé pour prévenir la malaria et traiter la toxoplasmose, un parasite infectieux très dangereux pour les personnes dont le système immunitaire est affaibli, tels que les séropositifs. Dans la foulée, il décidait d’augmenter le prix de plus de 5.000%, de 13,5$ à 750$ la pilule. Hors, ce médicament est essentiel dans le cadre du traitement des patients souffrant du Sida. Le Daraprim sauve des vies, et Shkreli, entend-on, est un meurtrier. L’annonce a déclenché un bashing royal et quasi unanime, d’Hillary Clinton à Donald Trump. De prime abord, on est tout aussi tenté de se scandaliser.



Mais quelles sont les motivations ? Le profit, bien sûr. De l’aveu même du principal intéressé. Une réponse qui ne fait que confirmer les protestations, mais qui a le mérite de l’honnêteté. Shkreli n’est pas un hypocrite, c’est un businessman assumé. Oui, Turing a besoin de faire des profits sur le Daraprim. Par avidité ? Non, par nécessité. En effet, le traitement ne peut pas évoluer, s’améliorer, sans un important financement en Recherche & Développement. Et c’est bien pour cela, selon Shkreli, que la firme a besoin de faire des bénéfices. Quand la tweetosphère le questionne sur la part de ces profits qui sera réinjectée dans la recherche, il répond sans sourciller « l’entièreté ».


Alors peut-être est-il finalement un humaniste, soucieux des progrès médicaux, fort d’une vision à long terme. Ou peut-être est-il vraiment un menteur avide et sans scrupule. Mais pour l’heure, il faut bien lui laisser le bénéfice du doute. D’autant que, devant les violentes protestations, il a décidé de revoir le prix légèrement à la baisse (sans en annoncer le montant exact).


Les régulateurs américains sont-ils vraiment plus souples ?



Et après ? Les patients se tourneront simplement vers un autre médicament, un générique peut-être ? Mais il n’y en a pas, le Daraprim est seul, Turing détient le monopole. Shkreli est donc price-maker, comme on dit. La logique même des principes d’économie est respectée. Mais le problème réside peut-être dans les brevets, dont on sait qu’ils provoquent ce genre de situations au détriment des patients. Là encore, rien n’est moins vrai. La Daraprim est vieux de 62 ans. Ses brevets ont expirés il y a plusieurs décennies. N’importe qui a le droit d’en fabriquer un générique, et ce n’est pas comme si un médicament de 62 ans était difficile à copier, d’autant qu’il est commercialisé partout dans le monde par des dizaines de laboratoires, pour quelques euros la plaquette.


La question qu’il faut se poser est pourquoi un traitement quasi ancestral est-il toujours en parfait monopole, et pourquoi cela n’existe qu’aux Etats-Unis ? À cause de leur capitalisme outrancier et de leur ultra-libéralisme ? De leurs normes laxistes où tout est permis ? Evidemment que non, c’est tout le contraire. Le développement et la commercialisation d’un produit pharmaceutique est un tel chemin de croix, très coûteux, que les labos se montrent très prudents dans leur politique de R&D. Dans le cas de la pyriméthamine (nom de la molécule utilisée dans le Daraprim), c’est tout simplement trop cher pour pénétrer le marché. Trop cher pour une formule trop vieille. Le grand problème est une barrière à l’entrée, des normes, des régulations, etc. Le marché pharmaceutique américain est très imperméable, et les coûts trop importants par rapport aux recettes potentielles, dans ce cas précis.


Cependant, les recettes potentielles ont explosé, grâce à Martin Shkreli. Là où il aurait été


impossible de concurrencer de Daraprim il y a quelques semaines encore, la flambée du prix ouvre la porte à d’éventuels nouveaux entrants. Même à 500$ la pilule, il devrait être possible d’entrer sur le marché sans trop de dégâts. Cet évènement pourrait donc initier une mise en concurrence du traitement, qui pourrait engendrer une baisse des prix à terme. Les importants profits, s’ils sont effectivement injectés dans la recherche, pourraient également améliorer la formule et aider au progrès médical. Enfin, peut-être que cela réveillera les consciences américaines (quoique, vu les réactions, rien n’est moins sûr) et mènera à un assouplissement des normes de la FDA (Food and Drug Administration, l’agence en charge de la régulation des marchés agro-alimentaires et pharmaceutiques) pour le secteur des médicaments.


L’Europe comme modèle.


Les opposants européens au TTIP en sont pour leurs frais ces dernières semaines. D’abord, ceci (qui démontre les failles de l’excès de règlementation), ensuite le scandale VW (qui a été découvert aux Etats-Unis, où tout est censé être permis…). Tout cela prouve que l’Europe n’est pas plus exigeante que les Etats-Unis. Au contraire, l’Europe offre un climat propice aux entreprises pharma, et à la prospérité du secteur. Les brevets sont plus courts, les barrières à l’entrée moindres, etc. En Belgique, une pilule de Daraprim (fabriquée par GSK) coûte 0,14€. Il y a aussi le Fansidar (Roche) à 0,7€ et le Malocide (Sanofi) à 0,69€. En bref, si tout n’est pas toujours rose, nous pouvons être fiers et heureux de notre politique pharmaceutique, plus permissive, plus libérale, que celle des Etats-Unis.


Le scandale du Daraprim aura le mérite de mettre en lumière le revers de la médaille de la régulation outrancière. La solution, si on prend l’Europe en exemple, consiste à plus de libre marché et moins de règlementation, et non l’inverse (comme le préconisent Hillary Clinton et Bernie Sanders, les deux candidats à l’investiture démocrate).


Pour conclure, nous pouvons méditer sur les douces paroles de Martin Shkreli :

« [Les patients] ne méritent pas un médicament vieux de 70 ans. Je sais que ce que nous faisons est bien. »


 
 
 

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