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La BCE sort le bazooka

  • Florent H.
  • 20 mars 2016
  • 5 min de lecture

L'annonce de la BCE d'accélérer ses mesures de lutte contre la déflation a fait l'effet d'une bombe. Partant du constat dans la zone euro que la croissance est inférieure aux prévisions, et que le taux d'inflation sur un an est toujours sous la barre de zéro (en raison du prix du pétrole et de la faiblesse de la demande structurelle en zone euro), l'autorité monétaire européenne a logiquement choisi de poursuivre sa feuille de route afin de changer la donne, c'est à dire faire repartir à la hausse l'inflation et la croissance. Son programme peut se résumer simplement: innonder le marché de liquidités. Les moyens mis en oeuvre pour ce faire son multiples, tantôt conventionnels (canal du taux d'intérêt, canal du crédit, canal du taux de change), tantôts plus exotiques (rachat d'actifs, le fameux assuplissement quantitatif, ou QE).



Poursuite du programme


Les taux sont historiquement bas, et la BCE a décidé de les revoir encore un peu plus à la baisse, à -0,4% pour la facilité de dépôt (taux auquel les banques commerciales déposent auprès de la BCE). Cela dans le but de dissuader les banques de thésauriser leurs liquidités et de les injecter dans l'économie, via les prêts aux particluers et aux entreprises. Pour renforcer cette volonté et inciter les banques commerciales à agir selon les couhaits de la Banques centrale, Mario Draghi a également annoncé un programme de prêt aux banques, à un taux avantageux de -0,4%. En d'autres termes, les banques seraient rémunérées pour emprunter auprès de la BCE, sous condition que cet argent soit ensuite transmis aux particuliers (et entreprises).


Enfin, le QE a été élargi lui aussi: la BCE va accélérer ses rachats d'actifs à 80 milliards d'euros par mois (contre 60 actuellement). En outre, les obligations d'entreprises libellées en euros seront désormais éligibles à ce programme, si tant est qu'elles disposent d'une notation suffisante (catégorie "investissement"). À noter que d'autres taux ont été ajustés (à la baisse, bien entendu), en ce qui concerne le refinancement (0%) ou encore le prêt marginal (0,25%), sans que ceux-ci n'aient ni la portée symbolique ni la force de frappe des précédentes mesures.


Bientôt, la remise en cause ?


Face à l'échec, jusque maintenant, de son programme, la BCE n'a eu de cesse de l'accélérer, le creuser, l'accentuer, toujours un peu plus fort, un peu plus loin. Où s'arrêtera-elle ? Et surtout, où peut-elle s'arrêter ? Le basculement vers des taux négatifs devait marquer la limite du possible pour l'autorité monétaire, le bout du bout des techniques conventionelles. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'assouplissement quantitatif a été lancé, voici un peu plus d'un an. Faute de pouvoir descendre les taux suffisamment loin dans les eaux négatives, c'est la bonne vieille méthode de la planche à billet qui a été ressortie - sous un procédé revisité, certes, mais le principe reste le même: la BCE crée artificiellement de la monnaie pour racheter des titres de dettes. Pourtant, malgré le QE, rien n'y fait, l'inflation refuse de repartir à la hausse, tout comme la croissance. Lors de chaque annonce de la part de Francfort (siège de la BCE), les spécialistes s'accordent à dire qu'on se rapproche du maximum. Cela finira, sans doute bientôt, par être le cas. La comparaison avec la situation outre-Atlantique est consternante: fin 2015, la Fed a relevé ses taux, et prévoyait de poursuivre sur sa lancée en 2016.


Les nouvelles sont donc très peu rassurantes. Mais si ce nouvel envoi d'obus de la BCE échoue à toucher sa cible, il faudra sérieusement se poser la question de la légitimité du panel mis en place. Une remise en question s'imposera, et c'Ets tout le modèle monétaire européen qui risquerait d'être remis en cause. Aussi, la BCE donne l'impression d'avoir été trop loin pour reculer. Sans doute Mario Draghi et son équipe sont-ils bien conscient d'être de plus en plus acculé au pied du mur, mais un revirement de la politique monétaire serait également un aveu de faillite, un très mauvais signal pour les marchés et la stabilité de la zone euro en général.


Et en Belgique ?


Un autre problème majeur, qui nous touche de plus près, nous, braves belges, est le déphasage total entre cette politique de taux bas et la réalité des chiffres: l'inflation affiche une moyenne de 1,57% depuis le début de l'année, bien loin des -0,2% en zone euro. Pourtant, c'est ce zéro (et le risque de déflation qu'il sous-tend) qui est à l'origine de tous les efforts consentis par la BCE. Nous faisons clairement face à une politique monétaire ciblée sur un constat qui ne correspond pas à notre réalité, en Belgique. C'est une malédiction de la monnaie unique, les situations sont si variables d'un bout à l'autre de l'Europe, que l'idée même d'une politique commune est délicate et, à juste titre, source de débats. Bien que l'Union Européenne ait plus ou moins instauré une rigueur budgétaire, force est de constater que les résultats sont plutôt éparpillés, nous donnant le meilleur (Irlande, UK, Estonie) comme le pire (Grèce). Une harmonisation économique, politique et sociale (voir culturelle) est certainement nécessaire pour tirer le meilleur de l'Europe, et de l'euro.


Le paradoxe est tel que, du point de vue belgo-belge, il est presque bon d'espérer un échec de la BCE dans sa quête d'inflation. En effet, si elle devait réussir, quelles sériaient les conséquences d'une inflation de 3% ou plus ? Ou peut-être que, pour la Belgique, la BCE a déjà réussi, et que ce sont les autres qui sont à la traîne ?

Une autre pierre d'achoppement récemment mise en lumière est une loi règlementant les taux d'intérêts sur les livrets d'épargne. Ainsi, les banques commerciales sont tenues, en Belgique, d'offrir un taux de base minimum de 0,01% (et une prime de fidélité de 0,10%). Autant dire que la Belgique est dotée d'une interdiction de pratiquer des taux explicitement négatifs. Une situation qui ne manque pas d'être décriée par les banques, qui se voient coincées par cette obligation légale d'une part, et les taux directeurs toujours plus faibles, d'autre part. Leurs marges se réduisent à l'extrême.

Cependant, les taux de financement auprès de la BCE, nous l'avons vu, sont également inférieur. Il est donc moins cher de se financer. De plus, si l'épargne ne peut descendre sous 0%, il faut garder à l'esprit que les contrats de prêts à taux variable existants disposent d'une clause protégeant les banques de devoir rémunérer leurs emprunteurs. Si l'épargne doit rester positive, c'est aussi le cas pour les prêts octroyés.


Entre danger et protection


Si cette situation est complexe et finalement assez contradictoire avec les volontés de la BCE, force est de constater qu'elles offrent une certaine protection tant aux déposants qu'aux institutions financières. Elles agissent également comme un frein contre les taux négatifs et le risque d'inflation, qui est déjà suffisamment élevé en Belgique. Il n'en demeure pas moins qu'un grand désaccord existe entre la vérité de la zone euro et celle de notre pays. Pourtant, c'est cette première qui restera la valeur étalon des décideurs de Francfort.

Pour le meilleur, et pour le pire.







 
 
 

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