Panama Papers - Les crimes
- Florent H.
- 10 avr. 2016
- 4 min de lecture
Cela fait maintenant une semaine que les Panama Papers défrayent la chronique. Nous en avons parlé, ici-même, dès les premières divulgations et démontré un parti-pris évident du collectif journalistique à la tête de l’opération médiatique. Avec l’analyse de fond du cas de la dette discale d’une compagnie pétrolière envers les autorités ougandaises, il apparaît que cette dette est éteinte depuis des années, et que la description volontairement sensationnaliste et tire-larme qui en a été faite par le collectif trahit une subjectivité manifeste. Dès lors, il a fallu prendre beaucoup de pincettes et de recul quant à l’analyse des différentes révélations qui se sont succédées ces derniers jours.

Derrière la croisade idéaliste contre les riches (individus ou entreprises), il convient de faire le tri et de se pencher sur les « vrais » crimes que les Panama Papers ont mis à jours.
Le sang… comme accroche
Dès les premières dépêches, « le sang » était explicitement évoqué : bombardements de l’armée syrienne, pédophilie, vol d’ouvres juives, etc. Sans compter les sous-entendus graveleux, mettant sur le dos de l’optimisation fiscale – pour l’instant, aucune preuve d’illégalité n’a été fournie – tous les malheurs du monde. Mais passé le déferlement de haine à l’encontre de ces pratiques fiscales, que reste-il ? Qu’apprend-on quant aux crimes sordides évoqués dès le premier jour des Panama Papers ? Eh bien, malheureusement, pas grand-chose.

Pourtant, ce sont ces révélations criminelles qui auraient mérité le tapage médiatique, et non les suppositions d’évasion fiscales. Hélas, pour des raisons inconnues, ce sont ces dernières futilités qui ont monopolisé l’attention. Sans doute parce que les données restent trop lacunaires, ou que le collectif n’a tout simplement pas encore déballé tout ce qu’il savait à ce sujet. Mais quelle que soit la raison, le résultat est là. Mais, pour ce qui en est disponible, que peut-on dire des crimes révélés ?
Bombardements en Syrie
Une série d’articles pourraient être écrits sur le « décor » de la guerre syrienne. Il y a derrière elle une grande complexité géopolitique, mais assez peu d’intérêts économiques pour la coalition internationale – malgré un Etat Islamique dont la santé financière repose principalement sur le pétrole. Nous, occidentaux, nous battons à la fois contre le régime en place de Bachar Al-Assad et contre le groupe terroriste. Ce qu’on révélés les Panama Papers, c’est une grande fraude qui aura permis au président syrien de financer sa résistance contre les rebelles que nous soutenons. En somme, la révélation concerne un ennemi de l’Occident.
Pour autant, les accusations n’en sont pas moins graves. On parle ici d’un riche homme d’affaire syrien, Rami Makhlouf, qui contrôle jusqu’à 60% l’économie du pays et entre les mains duquel tous les intérêts économiques doivent passer. Une entreprise étrangère souhaitant s’installer en Syrie n’avait tout simplement aucune chance d’y arriver sans l’accord de Makhlouf. Comme bien souvent dans ce genre d’histoire, où l’économie nationale est aux mains d’un nombre très réduit de personnes, la collusion avec l’Etat et le gouvernement est forte, qui plus est dans un régime dictatorial. Pour faire simple – et à peine caricatural – Al-Assad rendait service à Makhlouf, qui lui renvoyait la pareille à l’occasion. Notamment pour financer son opposition à la rébellion de 2011.

Lors de ce soulèvement populaire, soutenu par la communauté internationale, la Syrie s’est retrouvé sous le coup de lourdes sanctions économiques de la part des pays industrialisés, menés par les incontournables Etats-Unis. Ces derniers menaient une chasse à l’homme sur la personne de Rami Makhlouf depuis 2008. En ligne de mire : sa fortune. Le mot d’ordre était simple : interdiction formelle de traiter avec les entreprises détenues ou liées à Rami Makhlouf et au régime syrien. Ceux-ci, pour contourner l’obstacle, se sont offert diverses sociétés écrans aux Seychelles, sur lesquelles aucun interdit n’existait. Des sociétés créées par Mossack Fonseca. Durant plusieurs années, le montage a permis au milliardaire syrien de poursuivre ses activités internationales en toute quiétude, et au président Assad de toucher ses pots-de-vin et à financer sa contre-offensive.
En 2011, avec la montée des tensions au Moyen-Orient, et l’étendue des sanctions internationales à l’encontre de Makhlouf, le cabinet panaméen Mossack Fonseca a décidé de couper les ponts avec le milliardaire syrien. Une décision d’éthique et de mise en conformité prise en interne, quelques semaines après le début de la rébellion à Damas. La part de responsabilité du cabinet dans le financement de la résistance aux rebelles et de bombardements civils semble donc très limitée.
Nous ne connaissions pas cet individu jusqu’à ce que son nom soit rapporté dans les médias, déclara le Mossack Fonseca. Si nous étions l’agent enregistré d’une société qui, comme nous l’avons découvert plus tard, lui a été revendue, nous n’avons pas traité avec lui directement. En raison du secret bancaire en Suisse, nous n’avions pas accès aux informations relatives au bénéficiaire final de l’entreprise en question.
Rappelons qu’il n’y a, en soi, rien d’illégal à la création d’une société offshore.

Enlèvements et pédophilie
En Russie aussi, la corruption est un phénomène courant, et la proximité entre le président Poutine et de nombreux industriels et hommes d’affaires pose de nombreuses questions. Les Panama Papers ont permis de mettre à jour un réseau pédophile orchestré par l’un de ces riches oligarques. Dans ce cas-ci, de nouveau, la proximité de l’intéressé avec la tête de l’Etat est clairement établie.
Une société offshore n’est pas illégale
Encore une fois, c’est l’usage fait de ces sociétés offshores qui pose question, et non la société en elle-même. Lorsque l’enregistrement d’une SPRL est accepté par le SPF Finance, l’Etat belge est-il responsable des éventuelles malversations ou usages détournés que pourrait en faire son fondateur ? De toute évidence, la réponse est non. Alors que l’Etat, lui, dispose de toutes les informations sur la personne concernée et n’est pas limité par le secret bancaire comme l’est un cabinet comme Mossack Fonseca.
Ainsi donc, une société, offshore ou non, n’est pas illégale. Tout est dans l’usage qu’on en fait.
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